Les Subversifs : Les pionniers de la microdistillation au Québec

Par Rose Simard

Il y a 10 ans, à une époque où presque personne ne buvait de gin dans la province, Les Subversifs nous ont renversés avec leur gin au panais Piger Henricus (maintenant Marie-Victorin).

En 2021, la distillerie de Sorel-Tracy Les Subversifs soufflait sa 10e bougie, ce qui coïncide avec le début de l’avènement des microdistilleries au Québec. Le paysage de cette industrie à beaucoup changé depuis que Fernando Balthazar et Pascal Gervais, les deux fondateurs de l’entreprise ont distillé leur premier petit lot de gin artisanal. Ils font partie des quelques pionniers qui ont pavé le chemin pour une nouvelle génération de distillateurs.

Nous avons rencontré les deux amis et partenaires d’affaires dans le cadre de notre série Ici Comme Nulle Part Ailleurs, afin de parler de l’évolution de leur entreprise et celle de l’industrie dans laquelle ils s’épanouissent depuis les dernières années.

La grande idée

C’est lors d’un voyage à New York pour les affaires que l’idée de la distillerie est née dans la tête de Pascal et Fernando. Assis au bar d’un steak house de Brooklyn, ils se rappellent avoir été charmés par leur grande sélection de whiskies provenant de petites distilleries locales. Comme vous et moi, ils auraient pu se contenter de glisser une bouteille souvenir dans leur valise, mais dans leur cas, c’est plutôt l’idée de se procurer un alambic qu’ils ont ramenée au Québec.

Après plusieurs mois à faire des démarches, leur projet de distillerie s’est tranquillement mis en place. Toutefois, en travaillant sur leur premier plan d’affaires, ils se sont vite rendus à l’évidence qu’ils allaient devoir se tourner vers un autre spiritueux que le whisky comme point de départ. Il faut savoir que le projet d’une distillerie représente d’importants investissements financiers et pour que l’entreprise soit viable, il faut être en mesure de générer des revenus rapidement. Pascal et Fernando ne pouvaient donc pas se permettre de patienter durant les 3 ans de vieillissement minimum que requière le whisky avant de mettre en marché un premier produit. Le gin, qui n’est pas assujetti à cette règle, s’est imposé comme le meilleur spiritueux pour apprivoiser leur alambic et apprendre à perfectionner l’art de la distillation.

Les OG’s du gin québécois

Si l’on remonte un peu dans le temps, en 2011, les spiritueux de genièvre étaient loin d’être l’alcool de prédilection des Québécois, comme c’est le cas aujourd’hui! Le succès du Piger Henricus était loin d’être assuré et tout était à bâtir.

Personne n’aurait pu prédire que le gin allait devenir aussi populaire.

Pascal se rappelle que dans les premières années, lorsqu’ils faisaient des dégustations à la SAQ, ils devaient littéralement convaincre les gens de goûter à leur produit : « c’était le kiosque qu’à peu près personne ne voulait goûter ». Toutefois, les deux partenaires s’entendent pour dire que lorsque les gens acceptaient finalement de se tremper les lèvres dans leur eau-de-vie, la plupart du temps ils étaient conquis!

Il leur aura fallu attendre plus de 3 ou 4 ans avant de commencer à sentir un réel engouement pour ce produit et même s’ils ont dû faire preuve de patience, les deux subversifs n’ont jamais douté que leur gin au panais avait tout pour plaire.

D’ailleurs, beaucoup de Québécois se sont intéressés au gin pour la première fois grâce à des produits artisanaux comme le Piger Henrius (Marie-Victorin) ou encore le gin Ungava. Loin d’évoquer le goût du « gros gin », ces spiritueux plus délicats et parfumés ont séduit une nouvelle génération de consommateur aux quatre coins de la province. À un tel point où en l’espace d’une décennie, l’offre de gins locaux est passée de 2 à plus de 150 bouteilles sur les tablettes de la SAQ.

 

Pascal Gervais (à gauche) et Fernando Balthazard (à droite) : les OG’s de la microdistillation au Québec.

Pourquoi un gin au panais ?

Pour créer un gin à leur image, il leur fallait bien sûr une touche originale bien à eux, et c’est en cherchant cet ingrédient distinctif que l’idée du panais leur a été suggérée par La Société des Plantes de Kamouraska. Il paraîtrait que ses arômes se marient très bien avec ceux du genévrier.

Une fois l’idée semée, ils ont dû faire plusieurs tests avant de trouver la meilleure façon d’intégrer le légume racine au gin. Finalement, c’est en l’infusant dans le distillat durant quelques jours qu’ils réussissent à titrer son parfum floral délicat. Et croyez-le où non, encore aujourd’hui, le panais qu’ils utilisent dans leur recette est pelé et coupé à la main dans la cuisine de l’ancienne église convertie en distillerie.

« On avait essayé de mettre le panais dans le gin pendant qu’il bout, c’était une horreur » – Pascal Gervais.

Bouteille originale du gin au panais Piger Henricus – devenu par la suite le gin Marie-Victorin.

Des spiritueux imbibés par les traditions québécoises

Le modus operandi de la distillerie Les Subversifs depuis sa création est de renverser l’ordre établi en créant des produits qui sortent de l’ordinaire. Un mode d’emploi qui semble être suivi à la lettre, car en plus de nous avoir offert l’un des premiers gins québécois, ils sont également responsables du grand retour de la crème de menthe, une liqueur emblématique de l’époque des tapis shaggy et des murs bruns.

Lorsqu’ils développent de nouveaux spiritueux, Fernando et Pascal veulent que leurs produits résonnent auprès des Québécois. C’est pourquoi ils puisent leur inspiration dans la culture populaire et dans les traditions. Après le gin Marie Victorin est donc venu le Réduit de Léo, une liqueur d’érable et de gin, inspiré du réduit d’érable que les hommes buvaient dans les cabanes à sucre à l’époque.

Peu de temps après avoir mis en marché leur deuxième produit, ils nous sont arrivés avec leur première crème de menthe (Isabelle). À des lieues de la liqueur verte et chimique; reine des années 70, ils ont développé une recette moderne tout en fraîcheur, avec de la menthe poivrée biologique du Québec. Une version 2.0 qui a séduit la nouvelle génération d’adeptes de spiritueux locaux, tout ça bien sûr au grand plaisir des nostalgiques de la belle époque.

« Pour réussir à remettre des alcools relégués au cabinet de notre grand-père au goût du jour, il faut être doté d’un esprit subversif! » — Rose

Rose Simard, animatrice de la websérie Ici Comme Nulle Part Ailleurs en entrevue avec Pascal et Fernando.

La famille Les Subversifs

Aujourd’hui, la distillerie Les Subversifs commercialisent pas une, pas deux, mais bien quatre crèmes de menthe différentes, la blanche à saveur de menthe poivrée (Isabelle), la verte avec une touche de thé du labrador (Eva), la rose au goût de paparmane (Arthur) et plus récemment la bleue à saveur de menthe glaciale (Emilie). Ils sont également en phase de développement pour une 5e crème de menthe, cette fois sous forme de boisson à la crème. Cette dernière mouture devrait se retrouver sur les tablettes au courant de l’année 2022.

En plus de leurs 4 crèmes de menthe, du gin Marie-Victorin et du Réduit de Léo, Les Subversifs comptent parmi leur arsenal de produits, la vodka Irma, la liqueur de mate (Angélique), des Gin-Tonics prêt-à-boire en cannette ainsi que quelques barils de whisky qu’ils laisseront encore murir quelques années avant d’ouvrir.

  • Gin Marie-VictorinSAQ : 45,00$ | 750 ml
  • Piger Henricus (édition 10e anniversaire) – SAQ : 31,25$ | 500 ml
  • Réduit de LéoSAQ : 33,50$ | 750 ml
  • La crème de menthe IsabelleSAQ : 33,50$ | 750ml
  • La crème de menthe EvaSAQ : 33,50$ | 750ml
  • La crème de menthe ArthurSAQ : 33,50$ | 750ml
  • La crème de menthe EmilieSAQ : 33,50$ | 750ml
  • La liqueur de maté AngéliqueSAQ : 34,25$ | 750ml
  • La vodka d’IrmaSAQ : 36,00$ | 750ml
  • Gin Tonic au Panais Marie-VicSAQ : 16,00$ | 4 x 355 ml

Des personnages subversifs qui ont marqué l’histoire

Pour Fernando et Pascal, les noms qui figurent sur les étiquettes de leurs bouteilles sont extrêmement significatifs. Tous les produits Les Subversifs portent le nom de personnages historiques, qui, par leur travail ou leurs actes de bravoure ont marqué la société québécoise comme le sergent Léo Major, le Frère Marie Victorin ou encore Irma Levasseur, la première femme médecin canadienne-française. C’est une façon pour eux de rendre hommage et mettre en lumière ces héros, afin que l’on se souvienne d’eux. C’est d’ailleurs ce qui a motivé le re-branding complet des produits de la distillerie.



«  En prenant des personnages dans l’histoire qui ont été subversifs selon nous. On faisait honneur à notre nom qui était Les Subversifs. » — Fernando Balthazar.

Tous les portraits des étiquettes sont signés par l’artiste québécois de renom Marc Séguin, qui est également actionnaire de l’entreprise. Les toiles originales du peintre sont exposées à l’entrée de la distillerie de Sorel, pour le plaisir de nos yeux.

Les oeuvres originales de l’artiste Marc Séguin sont exposées à l’entrée de la distillerie.

Saviez-vous que le savoir-faire des Subversifs se retrouve dans plusieurs autres alcools québécois populaires?

En plus d’assurer la distillation de leur propre gamme de produits, l’entreprise se spécialise dans le co-packing. Ils mettent à profit leurs installations et de leur expertise, afin de sous-traiter la production des recettes d’autres compagnies québécoises, notamment ces de Spiritueux Iberville que l’on connait pour l’Amermelade, l’amaretto délicieux Miele et la sambucca Racine.

Et les 10 prochaines années…

Bien qu’ils préfèrent rester discrets quant à leurs prochains projets, on sait que Fernando et Pascal n’ont pas l’intention d’arrêter de nous surprendre. Il n’y a pas de doute, les deux amis ont du flair en affaires, non seulement ils savent repérer les prochaines tendances, mais ils sont également capables de nous les faire avaler (allongés avec du soda tonique, de préférence!).