La tendance « zéro déchet » s’invite dans nos cocktails

Par Vincent Luquet

Avec tout ce qui se passe dans le monde sur le plan environnemental, un renouveau dans notre façon de vivre, boire et manger s’impose!

Dernièrement, je remarque un vent de fraîcheur qui souffle sur notre relation avec ce que nous consommons, comme si certains fondamentaux devaient naturellement être réadressés.

Si les pailles en plastique semblent enfin être des reliques du passé, il y a encore beaucoup de progrès à faire et cela passe autant par les initiatives des restaurateurs que par les choix des consommateurs. Collectivement, nous pouvons faire une différence, il suffit d’en avoir la volonté.

Faisons du gaspillage une espèce en voie de disparition

Le gaspillage fait partie de notre quotidien, et bien que nous ayons des initiatives bienveillantes, il reste qu’adopter une démarche totalement durable et écoresponsable est un challenge pour tout le monde.

Les nouveautés en termes de pratiques durables peuvent bousculer nos mœurs et nos habitudes, un certain temps d’adaptation peut donc s’avérer inévitable avant de véritablement changer nos manières de faire. Cela dit, si vous osez vous remettre en question, vous remarquerez rapidement le caractère gratifiant et utile de ces petits chamboulements.

L’écoresponsabilité est un investissement de temps et d’argent, mais qui finit par porter ses fruits.

J’en ai eu la preuve lorsque j’occupais le poste de Bar-chef du restaurant montréalais Le Foiegwa. Pour maximiser l’utilisation de nos ressources, nous avions élaboré un cocktail à base de restes de Champagne. Il faut savoir qu’à la fin d’une soirée, il n’est pas rare que les bouteilles servies au verre ne soient pas complètement vidées. Même si l’on parle que d’une petite quantité, répétez plusieurs fois par semaine, et le gaspillage devient rapidement assez évident. À défaut de nous débarrasser du champagne dépourvu de son effervescence, nous l’avions recyclé en une réduction que l’on utilisait ensuite dans l’un de nos cocktails signatures sur le menu.

À la maison, vous pouvez réaliser cette même recette en utilisant tous autres mousseux éventés ou même du vin resté trop longtemps sur votre comptoir. Même oxydé, le vin peut se recycler pour des réductions, des sauces ou préparations vinaigrées, et sa reconversion peut être alléchante!

Sirop de champagne

Ratio :
1 tasse de champagne éventé
3/4 de tasse de sucre blanc

Étapes:
– Mélanger le champagne éventé au sucre blanc dans une casserole à feu très doux.
– Laisser mijoter jusqu’à ce que le sucre soit complètement dissout.
– Retirer du feu et laisser tiédir.

*Il est important de ne pas amener le sirop à ébullition, vous risqueriez de perdre les arômes clés de votre champagne.

Restaurant le Foiegwa à Montréal – Crédit photo : Foiegwa

Adresser notre rapport aux « déchets »

Il semble que la connotation négative associée au terme ‘déchet’ réside principalement dans la façon plutôt occidentale avec laquelle nous apprêtons nos produits. Nous avons en effet la fâcheuse habitude de nous débarrasser d’une grande partie des composantes que nous incorporons dans nos cocktails.

De la racine à la fleur, de l’écorce à l’orange : tous les composés organiques sont potentiellement comestibles, et donnent accès à une myriade de nouvelles possibilités.

Les queues de nos baies, les tiges d’aromates, la pelure de nos agrumes, etc. Il s’agit ici d’encourager l’utilisation la plus entière de nos produits et minimiser le jugement d’apparence : donnez une chance à vos ingrédients, indépendamment de leur maturité ou aspect!

L’élaboration de cocktails est l’extension logique de la cuisine : vos ingrédients devraient de plus en plus s’interchanger entre vos plats et cocktails!

Cocktail à base de fanes de céleri

Ingrédients

  • 1.5 oz vermouth sec, Noilly Prat
  • 0.5 oz de liqueur de fleur de sureau, St-Germain
  • 0.5 oz de jus de citron frais
  • 0.25 oz de sirop simple
  • 1/4 de tasse de fane de céleri

— Essayez la recette

Repensez nos habitudes pour se détacher des produits à usage unique

Chaque partie de la boucle de notre empreinte environnementale compte, et poser un regard honnête sur notre consommation peut être très révélateur. On peut du jour au lendemain réduire ou même arrêter complètement d’utiliser du matériel à usage unique. Pailles en plastique, serviettes de table en papier, sous-verres en carton… autant d’exemples d’accessoires optionnels ou le ratio utilité-déchet est très difficilement justifiable.

Il ne s’agit pas ici de porter un blâme gratuit, mais plutôt de se questionner collectivement sur la pertinence de tous ces produits, en 2022.

Encouragez l’achat local, le plus souvent possible

Cette réflexion sur notre consommation peut s’étendre jusqu’à la provenance des produits que l’on utilise dans nos recettes. Je ne vous apprendrai rien, mais l’approvisionnement local et saisonnier reste une option très efficace et judicieuse. Les produits de saison de votre région ont toujours bien meilleur goût. De plus, en appuyant nos commerçants favoris, vous contribuez directement à l’économie locale.

Bien que le biologique devienne monnaie courante, l’empreinte écologique de vos fruits et légumes reste marquée par toute la logistique qui entoure le transport. L’achat local demeure la solution la plus durable, et comme chaque région regorge de terroirs riches, apprivoisons-les!

Découvrez plus de 60 recettes de cocktail 100% québécois dans notre dernier livre Boire le Québec

Des chefs de file qui nous montrent l’exemple

Les porte-drapeaux du mouvement zéro déchet sont généralement des marques ou des établissements qui dédient des ressources à la mise en place de ces gestes écoresponsables. Ils bénéficient rapidement d’un gain éthique et d’économies concrètes. Leur rayonnement dans leur communauté et parfois même à l’international alimente donc la tendance et on en voit de plus en plus.

Les bars d’ici et d’ailleurs emboîtent le pas

Outrage of modesty, un établissement avant-gardiste de Cape Town (fermé depuis la Covid), a raflé le titre de champion des bars zéro-déchets, avec une approche qui transforme l’écoresponsabilité en une attraction: « Nos pailles sont en verre ou faites à partir de matériaux organiques tels que des gousses de vanille séchées et vidées. Nous recyclons tout notre papier et carton pour en faire des serviettes et des sous-verres ».* Ces exemples originaux et durables plaisent à la clientèle et on peut espérer que les mêmes pratiques seront potentiellement exigés ailleurs par la suite ou même appliqués à la maison.

Certains de nos confrères montréalais se sont eux aussi attelés à la noble tâche de réduire leur empreinte écologique au maximum dans leurs établissements, c’est le cas entre autres de quelques bars à cocktail comme Le Mal Nécessaire, le Stillife, La Cale ou encore des restaurants comme Le Flamant.

Du côté de ce dernier, toutes les opérations sont réfléchies pour donner un maximum de vies aux produits alimentaires qu’ils utilisent. Par exemple, lorsque les clémentines sont de saison, avec le même fruit, ils pressent le jus, ils réalisent un cordial avec les écorces et ensuite ils déshydratent les peaux qui serviront à la fabrication de liqueurs ou d’amers aromatiques. Maximilien Jean, copropriétaire et bar-chef du restaurant le Flamant nous explique qu’autant en cuisine que derrière le bar, l’équipe s’approvisionne dans leurs propres jardins où chez des producteurs locaux pour la majorité des produits. 

« L’été et l’automne, les produits de saison sont transformés pour être travaillés à l’année. » -Maximilien Jean

*Source : www.drinkmagazine.asia

Restaurant Le Flamant, crédit photo : Tastet

Les géants internationaux s’imposent

Le nouveau motus operandi du Groupe Bacardi, qui possède un portfolio de marques de luxe bien garni dont Grey Goose et Patron font partie, permettra une réduction colossale des déchets plastiques à travers le monde. « La nouvelle bouteille 100% biodégradable remplacera 80 millions d’homologues en plastique – représentant 3,000 tonnes de déchets plastiques – présentement produits par le portfolio Bacardi chaque année. »** Non seulement la nouvelle est réjouissante, mais on peut espérer qu’elle donnera vraisemblablement des idées aux concurrents.

**Source : www.thedrinksbusiness.com

Recettes Anti-Gaspillage

Comment tirer le maximum de vos agrumes et de vos fines herbes en cocktail ?

Que cela soit pour leur jus ou leur écorce, les agrumes sont les participants phares de notre quotidien de bartender en herbe.

Voici 3 façons d’utiliser pleinement vos agrumes :

1. Déshydratation 

Déshydrater nos garnitures est un très bon moyen d’éviter les pertes, puisque leur conservation est presque illimitée. Il est possible de le faire à la maison avec votre four conventionnel ou à l’aide d’un déshydrateur. Chez 1 ou 2 Cocktails, il s’agit d’une garniture que nous apprécions tout particulièrement.

Étapes :
Couper les agrumes en fines tranches.
Placer les rondelles d’agrume côte à côte sur les grilles du déshydrateur.
Laisser sécher environ 12h à 60°C (ou selon les recommandations de votre modèle).
Conserver les rondelles d’agrumes dans un bocal hermétique.

 

2. Oleo-saccharum

Cette préparation aux allures de concoction mystique n’est qu’un simple mélange d’écorces d’agrumes et de sucre. La pelure d’un agrume est dotée d’huiles essentielles particulièrement aromatiques, cette mixture met parfaitement à profit le potentiel de celles-ci.

Ratio :
1 tasse d’écorces d’agrumes pour 3/4 de tasses de sucre.

Étapes:
– Zester vos agrumes préférés avant de les presser.
– Laisser macérer les écorces dans le sucre dans un contenant hermétique durant 6 à 12 heures selon l’intensité recherchée.
– Filtrer la mixture à l’aide d’un tamis fin, en prenant soin de bien presser les écorces pour extirper le maximum d’huile.

* N’hésitez pas à incorporer épices ou aromates dans votre saccharum pour ainsi l’étoffer facilement tout en expérimentant.

3. Sirop de zeste

Le sirop de zeste d’agrume est probablement la façon la plus simple de tirer profit de ses écorces d’agrumes au maximum. Avant de presser le jus de ceux-ci, prenez le temps de prélever la peau pour préparer cette recette. Ce sirop aromatisé vous permettra de créer de nouveaux cocktails ou d’ajouter un petit je-ne-sais-quoi à vos classiques préférés, comme le Old Fashioned ou le Moscow Mule.

— Essayer la recette

3. Le Sirop et Compote (2 en 1) Rhubarbe & Fraise

La rhubarbe et les fraises du Québec, c’est tellement bon que pour moi c’est impensable d’en gaspiller une seule miette. C’est dans cette optique que j’ai créé cette recette de compote-sirop 2 en 1 qui réduit le gaspillage alimentaire de la manière la plus savoureuse qui soit. Commencez par faire votre sirop et conservez les pulpes de rhubarbe et de fraise pour en faire une compote dans un deuxième temps. Rien n’ira à la poubelle et je vous jure que votre estomac sera plus que satisfait.

— Essayer la recette

Maximiser l’utilisation de vos fines herbes

Menthe, basilic, thym, aneth… Nos fines herbes connaissent souvent un triste sort : étouffées dans des petits casseaux en plastique avec une péremption abrupte. Les tiges d’herbes aromatiques renferment elles aussi un potentiel gustatif. Après avoir fait votre Mojito ou pesto préféré, gardez les branches et transformez-les de la façon qui vous semble la plus adéquate.

Transformer votre ‘compost’ de cocktail en sirop fonctionne couramment puisqu’il participe à la conservation et au renfort des saveurs, tout en produisant des résultats originaux! Il vous suffira de faire tremper les tiges (queues, pépins…) dans de l’eau et ensuite ajouter du sucre.

Ratio :
1/2 tasse d’aromates (tiges, queues, pépins…) pour 1 tasse de sirop simple.

Étapes :
– Combiner les aromates et le sirop simple dans un contenant hermétique.
– Laisser macérer au réfrigérateur durant environ 3 jours, ou jusqu’à ce que le sirop soit bien goûteux.
– Filtrer le sirop à l’aide d’une passoire fine.
– Conserver dans un contenant hermétique au réfrigérateur

Martini à la Poire

Martini à la poire
martini à la poire

Ingrédients

  • 2 oz de vodka
  • 1.5 oz de nectar de poire
  • 0.75 oz de jus de lime frais
  • 0.5 oz de sirop de romarin

Essayez la recette

 

Une épopée encore jeune

Ces quelques exemples ne représentent qu’une infime partie du riche potentiel de ces nouvelles techniques qui peuvent accompagner notre quotidien. Les limites en termes d’utilisation de nos produits demeurent virtuelles, et bien que la moisissure ne nous fait pas envie, il reste que c’est le signe de la vie et la base de nombreux ingrédients. Nous conseillons d’avoir une approche divertissante et curieuse qui vous permettra d’explorer le plein potentiel de vos ingrédients et surtout, le vôtre.